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Tu crois. C’est l’histoire de ta vie ça. Tu as toujours porté beaucoup d’espoir, en tout, pour tout, en tout le monde. Mais aujourd’hui, tu décrois. Décroitre ou décroire ? Surement les deux.
Tu crois en la réincarnation. Pas de paradis, pas d’enfer. Sauf celui qu’on se crée. On t’a dit un jour qu’à la fin de ton ancienne vie s’est opéré un choix. Revenir ou partir, pour de bon. Et tu as hésité. Cette vie-là aurait été assez dure. Tu aurais été assez seul. Seul, oui, parce que tu aurais été un homme. Il parait qu’on peut changer de genre. Peu importe. Tu voulais partir. On t’a dit qu’il pouvait être bon de revenir. Pour les autres. Pour toi, aussi. Alors tu as pris l’enveloppe qu’on te proposait, derechef. L’attente, c’était la renonciation. Tu t’es incarnée, dans cette enveloppe, de petite blonde aux yeux bleus. Tu t’estimes très chanceuse : tu n’aurais pu rêver meilleur cocon familial, amical, et vie, de manière globale. Sauf que. Sauf que souvent, tu te dis que c’est trop pour toi. Dans le bon comme dans le mauvais. Que tu aurais préféré la paix, où qu’elle soit. L’encéphalogramme plat. Qui te dit que l’autre choix aurait été la paix ? Mais bon, c’est dans ta nature de voir les choses du bon côté avant tout.
Tu crois que tu vis probablement les instants les plus fragiles de ta vie. Que tu ne seras jamais aussi vulnérable. La vingtaine, quelle épreuve. Au sortir de l’enfance et de l’insouciance, on te vend une vie d’adulte libérée, sûre d’elle, se mouvant aisément dans les flots. C’est faux. La vérité, c’est que tu ne t’es jamais sentie aussi seule. Que dans la quête de toi, ton monde s’est écroulé, à plusieurs reprises. Pour le meilleur ? Certainement. Si une chose est certaine, c’est que tu te sens en phase avec toi-même. Tu as enfin l’impression d’incarner une réalité de ce que tu es. Le seul problème là-dedans, c’est qu’il peut y en avoir plusieurs. Tu ne savais pas à quel point cela allait te demander un travail de tous les instants, des questionnements incessants. Si tant est que cela s’arrête réellement un jour. Peut-être qu’à un moment, on finit par être trop fatigué de batailler contre ses instincts. Tu l’espère, du moins.
Tu crois que grandir est la seule option. Qu’une situation se gère au moment où elle se présente. Sans l’anticiper, ni la remettre à plus tard. Que les sentiments finissent toujours par ressortir, tôt ou tard. Tard, c’est souvent pire. Les sentiments n’apprécient jamais d’être enterrés. Ils finissent par revenir, plus violents qu’avant. Qu’il faut saisir l’issue à bras le corps, seul. Qu’on peut t’aider, mais que la seule personne à pouvoir agir, c’est toi. Que la plupart des gens ne sont pas conscients de cette responsabilité. Ou font l’autruche, accusant éternellement l’autre, l’étranger, l’inconnu, la Terre entière. C’est là que l’humanité tombe dans ses bas-fonds. Victimiser, soi ou l’autre, n’apporte que son lot de problèmes. Qu’en même temps, la plupart des gens culpabilisent. Pour tout. Sans vraiment s’apporter de tendresse, la même qu’il donnerait à un autre. Que ces extrémités créent des coeurs brisés. Qu’on ne peut pas sauver les autres. Qu’il y a un temps pour compatir, et un temps pour se choisir.
Tu crois qu’aimer ne suffit pas. Qu’il faut se le dire, se le montrer, et se le prouver. Mais que tout ça peut se faire dans la plus grande simplicité. Qu’une fois de plus, l’important est de se choisir. Soi, l’autre, le Nous. Que peu importe ce que la rumeur dit parfois, « l’essentiel ne se voit bien qu’avec le coeur ». Qu’il y a une forme de rationalisation de l’Amour qui te fait peur. Que tu as la fâcheuse tendance de rentrer dans ce jeu. D’entamer la première danse de ce grand bal masqué, où tout le monde cache son jeu derrière ses blessures et son passé. Que tu tentes de laisser aller. Que dans un monde d’enfants, les choses seraient bien plus aisées. Qu’aimer est un véritable acte d’intimité, et que partager ses croyances, sans craindre le jugement de l’autre, en est le fondement même.
Tu crois que grandir, c’est revenir à cet enfant. A son passé. L’affronter, pour réaliser que ces fantômes peuvent être apprivoisés. Regarde, dans Harry Potter. Qu’il ne faut pas vieillir avec quelqu’un, mais plutôt redevenir un enfant avec, pour ne paraphraser que Bukowski. Tu n’as jamais rien lu de lui, mais tu en as envie. Qu’entrer dans l’histoire permet de mieux apprécier le présent. C’est pour cela que de toutes les matières, c’est celle que tu préfères. Que la connaitre est important, que l’expérimenter l’est tout autant. On n’apprend que de ses erreurs. Que le meilleur outil, face au non-sens de la vie, c’est de rire. De décroitre, petit à petit. Comme Benjamin Button. C’est surement aussi pour cela que tu apprécies autant cette histoire, qu’il s’agisse de livre ou de cinéma. Comment Fitzgerald est parvenu à ce roman de génie, tu ne l’as jamais compris. Peut-être que le secret est de boire à l’excès. Arrête avec tes conneries d’artiste maudit. Regarde la mère de Romain Gary : elle espérait que son fils soit écrivain, parce qu’un écrivain n’a pas une vie pourrie. Tu vois, à quel point les histoires te ramènent à la petite fille en toi ? Ne culpabilise pas de t’y plonger et de t’y prélasser, inlassablement.
Tu crois qu’au fond, rien n’a de sens. Que tout est absurde. Camus et le mythe de Sisyphe. Remonter la pierre en haut de la montagne, en admirant le paysage. Et cela, éternellement. Qu’il n’y a pas de but, ou de raison. Qu’il y a seulement ce qui est et ce que tu en fais. Voilà la seule vérité. Que la seule chose qui t’appartienne réellement, ce sont tes réactions. Pour briser le karma : des schémas qui se présentent, encore et encore, tant qu’on n’a pas compris. Telle est la véritable définition du karma, et non pas cette vision oppressante et fataliste que des siècles de domination catholique nous a inscrit dans le sang.
Tu crois que l’héritage, c’est important. Le comprendre d’autant plus. Prendre conscience de ce que nos aïeux nous ont mis sur le dos. Refuser de tout porter. Tu n’es pas un âne bordel. Quand bien même il y en a un qui marche avec toi, au quotidien. Qu’il y a certaines choses à leur laisser. Des façons de pensée. Toujours questionner à nouveau ce que l’on nous a apprit, au gré du temps, et des versions de soi. Faire le point sur ce qui est réellement en phase avec nous. Parce que dans un monde mouvant tel que le nôtre, la seule survie digne de ce nom n’est que l’évolution. « Regarde au-delà de ce que tu vois ». Là, c’est Rafiki, du Roi Lion qui est cité. Toute la sagesse du monde se trouve dans les dessin animés. Tu l’as dit bouffi : toujours revenir à l’enfant.
Tu crois que l’héritage qui compte n’est pas que celui des tes aïeux, mais aussi celui que tu transmettras. Qu’il s’agisse de tes enfants, ou de n’importe qui d’autre. Et que c’est bien là où il est essentiel de s’interroger sur les valeurs que l’on t’a fait passer. Autrement, le monde serait mal barré. Que le meilleur moyen pour cela, c’est de s’incarner. Soi. Malgré les qu’en dira-t’on et les oppositions. Et pourtant, il n’existe pas de meilleur terreau. Même si tu crains de blesser. Même si tu crains d’être blessée. A bas les masques, montre-toi dans ta clarté. Il n’y a rien de plus doux que de vivre dans ta propre luminosité, avec tes ombres bien accrochées, là où elles sont le plus visible. C’est là qu’est l’équilibre. Que les meilleurs enseignants que tu aies pu trouver jusqu’à maintenant, ne sont pas plus haut que trois pommes. Et il ne s’agit pas de Maître Yoda. Qu’il s’agit de la raison même pour laquelle tu aspires à une vie de mère. Pour profiter de cette insouciance, pour te faire apprécier les moments les simples. Non pas que tu ne les apprécie pas autrement. Seulement, l’expérience.
Tu crois que tu ne crois pas. Pas assez, ou pas assez bien. Tout en sachant qu’il n’y a rien de plus faux. Il n’y a pas de bonne manière de croire. Est-ce un don ? Certainement pas. Tu avais fait des recherches sur le sujet, pour un projet, mort et enterré. Si tu devais en écrire l’épitaphe, ce serait sûrement que la croyance fait partie de l’essence même de la nature humaine. Que le recul des religions n’a fait qu’accentuer un sentiment de perdition dans les coeurs. Que l’on erre désormais vers des choses en lesquelles croire, buvant les paroles de biens-pensants, sans s’interroger sur le fait de savoir si elles résonnent en nous. Parce qu’il n’y a pas qu’une seule manière de croire. Que ce qui marche pour certains, ne fonctionnent pas nécessairement pour d’autres. Que cela crée des tensions, alors qu’il suffirait d’échanger. Dans cette éternelle ascension vers l’évolution. Que la seule vérité est celle de nos tripes, pas nécessairement celle que les anciens nous ont transmis. Que c’est là la véritable définition de l’intelligence humaine : que le présent est fugace, et déjà mort à nos pieds. Qu’il faut revivre le passé, pour sans cesse se réinventer.
Oui, tu vois, tu crois. Tu crois dans les étoiles, le ciel qui rosit le soir, la pluie qui s’écrase sur ton visage, les arbres qui bruissent avec le vent, les grains de sable qui crissent sous tes pieds, la neige qui blanchit les sommets, la mer qui s’agite, les oiseaux qui dansent devant les nuages, les paroles des amis qui te relèvent, les attentions de ta famille qui te réchauffent, les ouragans que tu traverses, les signes éparses qui se révèlent quand tu veux bien les observer Tu crois, sans savoir si demain sera là. Tu crois, des verbes croire et croître, et c’est bien assez comme ça.