16.09 : 9

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Overthink a Minute
4 min ⋅ 16/09/2025

Mardi soir, dans mon canapé. La mélancolie règne dans la pièce vide. Le silence n’est perturbé que par l’eau qui bout derrière, et les images qui déroulent sur le grand écran. Robert Redford est mort aujourd’hui. La mélancolie s’accentue. Je suis née à la mauvaise époque, au mauvais endroit. J’aurais adoré que ce soit l’homme de ma vie. Peut-être pas tant lui que son personnage de Out of Africa. Ça y est, il apparait enfin à l’écran. Comment ne pas tomber raide dingue de Denys ? Libre, insaisissable, attentionné, cultivé, avare de confidences, généreux de son intimité (sans parler de cul). Surtout, sans concession sur sa propre incarnation. Lui-même, invariablement. Je le sais, je vis surement trop dans les histoires. Celles des autres. C’est tellement plus facile. On est sûrs de ne jamais trop se mouiller. De ne pas trop souffrir. De ne pas perdre la face, puisqu’on n’a absolument aucun contrôle. J’aimerais que ma tête s’arrête, vivre en ravissante petite idiote pour n’avoir qu’à suivre le cours. J’arrête là les atermoiements. Je suis très heureuse d’être qui je suis. Maintenant. Pas de mélancolie à cet égard. Et ce qui m’intéresse actuellement, ce sont les chiffres. Pas au boulot pourtant : la moindre mention de fonds personnels, de prêt hypothécaire, prêt sous seing privé, calcul de plus-value, valeur d’usufruit, valeur de nue-propriété, impôt réel, impôt sur les sociétés, décompte, me stresse. Probablement de vieux restes de cours de maths. Et de droit fiscal. Ne reste plus qu’à recalibrer le cerveau. 

Non, quand je parle de chiffres, j’entends davantage la notion ésotérique, plus particulièrement numérologique. Bienvenue dans mon esprit. Science de la numérologie, qui vient, dans sa grande partie, de l’héritage des vieux sages juifs. Autrement dit, de la kabbale. Dans l’alphabet hébraïque, chaque lettre, sacrée, a une valeur numérique. Il en existe 22. 22 qui représentent les liaisons entre les 10 séphiroth, séphiroth qui forment l’Arbre de vie. J’ai un oracle sur le sujet. Vous seriez surpris de sa pertinence. En tout cas, je le suis. J’ai aussi un arbre de vie tatoué sur le bas du mollet. Je l’ai fait à mes 22 ans. Sans savoir. Enfin, je ne vais pas vous perdre maintenant. Ces notions me sont encore bien floues. Je serais bien incapable de les expliquer, n’étant ni rabbin, ni même juive. Toujours est-il que la numérologie, bien que parfaitement abstraite et loufoque pour la plupart des gens, a tout mon intérêt actuel. J’en oublie presque Redford à l’écran. Ces derniers temps, c’est sur le chiffre 9 que s’est portée mon attention. 

Pourquoi 9 ? Facile. C’est le mois de septembre. Le neuvième mois de l’année 2025, année 9 (2+2+5). Autant dire qu’énergétiquement parlant, ce mois de septembre envoie du lourd. Traversé d’éclipses en tout sens, et de valse des planètes, cela m’apparait une explication tout à fait raisonnable à la fatigue globale, la mélancolie, le repli sur soi qui s’opèrent pour beaucoup. Après tout, il s’agit de maths. Le 9 représente la fin, l’achèvement d’un cycle. Qui dit achèvement d’un cycle suppose la naissance d’un nouveau. C’est toute la portée du 9 : la mort, pour la vie. Un adieu pour d’autres bonjours. Le roi est mort, longue vie au roi. Le 9, comme symbole d’éternité. Après tout, chaque multiple de 9 vaut toujours 9. Par exemple, 18 : 1+8 = 9, 72, 7+2  = 9 etc… Le 9, comme rappel du karma. Que tout ce que nous semons revient toujours vers nous. Il invite, devant nos schémas répétitifs, à enfin rompre la roue du Samsara. Roue de la vie. Le karma comme somme de schémas répétitifs qui se présentent encore et encore à nous comme autant de possibilités de changer le cours de notre destin, pour cette vie comme les suivantes. Sous peine d’être écrasé, encore et encore, par la force de la roue du destin. Apport de la philosophie bouddhiste. Je suis aussi rabbin que moine bouddhiste : si vous voulez des informations, allez les chercher auprès de véritables connaisseurs. Le orange vif ne sied pas franchement aux blondes. 

Pour ma part, je me retrouve confrontée à certaines fins : un déménagement, la fin définitive de mon manque d’engagement, aussi bien au niveau personnel que professionnel : fin de ma période d’essai, signature d’un bail. Plus question de changer de vie, d’avis tous les 6 mois. Ou si c’est le cas, avec un préavis d’un mois. Il y a des soirs où ça me fiche une angoisse monstre. Globalement pourtant, c’est terriblement rassurant. Disons que le fait d’avoir mon appart, mon taf, un salaire fixe, me permet de me concentrer sur d’autres sujets. Notamment les chiffres. Et de pouvoir en prime écrire sur le sujet. De ce point de vue là, j’ai tout gagné. Beschert, en yiddish. Putain, je suis vraiment perchée. 

Bref, septembre me met aussi face à d’autres de mes réalités : j’ai beaucoup plus de mal à accepter le changement que ce que je ne pensais. Je dis vouloir une chose et me complais dans son contraire. Tout ça, parce que je préfère avoir affaire à une situation connue et décevante plutôt qu’inconnue et inconnue. C’est aussi vrai avec les gens : je préfère me cloisonner à ceux que je connais qu’aller à la rencontre d’autres. Là-dessus pourtant, j’ai opéré un virage à 180 degrés. Ça a mis en lumière certains éléments du passé. Permis de mieux comprendre mes façons de réagir. Compris que souvent, ma relation à l’autre était emprise de méfiance, d’angoisse et de peur, que je camouflais sous un masque de snobisme ou d’empathie exagérée, et ce, même avec mes plus proches amis. Tout, tout, sauf me montrer, dans ce que je suis vraiment. Avec mes crises de colère et mes ressentiments. Ne jamais, jamais, partager mes vrais sentiments. Par peur d’être abandonnée. Abandonner, avant de l’être. Ne rien partager du tout. Certaines conversations sont difficiles pour une raison : elles sont essentielles. Marie S’Inflitre a raison : c’est tout ce qui nous fait peur que nous devrions absolument faire. Je me replonge dans mes décomptes dès 9h demain matin. Je plaisante. Quoique, je n’ai pas le choix. 

Du mal aussi à demander de l’aide, en permanence. Je suis constamment en train d’interroger mes collègues pour le bien de mon travail. D’autant que mal faire peut avoir une réelle incidence sur la vie des gens. Pour le moment, j’en dors bien. C’est l’énorme avantage : je me sens réellement utile. Tout en étant complètement ignorante. Chaque minute à penser savoir est de suite balayée. Ce n’est pas tous les jours aisé à accepter. L’humilité. Je n’avais pas réaliser à quel point j’aime avoir raison. Mais à oser passer pour une conne, j’en retire beaucoup de confiance. L’avis des autres me semble de plus en plus… minime. Cela dit, personne ne m’a encore pourri. Seulement de la condescendance et le mépris le plus total. Les aboiements ne sauraient tarder. Peut-être qu’après ça, je me sentirais invincible. Ou pas. A voir. 

Oui décidément, ce neuvième mois vient me chercher. Au fond de mes tripes. Sur ma lancée entamée depuis quelques temps déjà, je prends conscience du chemin à parcourir. Tente de modérer mes ardeurs : tout vient à point à qui sait attendre. La Fontaine, esprit du même acabit que les grands maîtres spirituels de ce monde ? Certainement. Septembre comme un repli nécessaire, une mise en veille. Avant l’hiver. J’ai hâte. Que me réserve la suite ? J’aimerais le savoir. En fait non. Autant le vivre. En suis-je certaine ? Pas sûre. Mais je ne vais pas me terrer toute ma vie. Les mois suivants apporteront leur lot. 10, 11, 12… Avant un nouveau cycle, tout neuf, en 1 : 2+2+6  = 10 = 1+0  = 1. Beschert !

Overthink a Minute

Par Zoé André