J'ai pas la main verte, mais pourtant, j'ai bien envie de pousser. Bon, ça n'a pas de sens là tout de suite, mais j'espère que ça en aura davantage à la fin de votre lecture. La bise.
Ces derniers jours, j’ai remarqué qu’un sujet s’immisçait régulièrement dans ma vie. A travers des petits signes. Petits signes hehe. C’est tout le sens de mon propos. Cela dit, ce ne sont peut-être pas des signes. Plutôt des trucs que je grapille à droite, à gauche. Bon, dans tous les cas, le sujet n’est pas tant de savoir si on croit aux signes parce qu’on les voit, ou si on les voit parce qu’on y croit ou qu’on les cherche. Bref. Je m’explique. C’est insidieux. J’ai jamais dit que c’était flagrant. Je précise parce que j’ai peur de me faire juger. Bon j’arrête de tourner autour du pot. Allons à l’essentiel. Ça a commencé autour d’une discussion de lecture. Ça fait des lustres que je dis à maman de lire le Goncourt de l’an dernier, « Veiller sur elle », de Jean-Baptiste Andrea, chose qu’elle a finalement fini par faire, après avoir terminé le Goncourt 2021, « la Plus Secrète Mémoire des Hommes », de Mohammed Mbougar Sarr, dont je lui avais imposé la lecture. C’est que je la culture en fait. Dans « Veiller sur elle », le personnage principal est un nain, enfin, un homme de petite taille, Mimo, sculpteur italien de Pietà. Indice 1. Indice 2 : un épisode de « Un dimanche à la campagne », dont l’un des invités était Emmanuel Moire. J’avoue, j’avais légèrement occulté qui était ce monsieur. Surtout qu’à une époque, relativement lointaine maintenant, j’ai beaucoup, beaucoup vu sa gueule. Tout simplement parce que j’ai du visionné le DVD de la comédie musicale « le Roi Soleil » à peu près une centaine de fois. J’avais déjà mentionné ma fascination étrange pour Louis XIV, je ne reviendrais pas dessus. Dans l’épisode, on lui montrait une vidéo de son interprétation de la chanson « Etre à la hauteur ». Indice 3 : il me manque des éléments de contexte là. C’était l’anniversaire de maman, j’avais quelques verres de vin au compteur, et il y avait du monde autour. On a parlé du livre « Veiller sur elle », des nains, des difficultés inhérentes à la condition de nain, des gens de petite taille, pour finir par évoquer le film « Un homme à la hauteur » avec Jean Dujardin. Il y campe le rôle d’un architecte de renom, qui rencontre une avocate, jouée par Virginie Efira. Ils s’entendent merveilleusement bien, le seul bémol c’est qu’il est très petit. Moins d’1m50. Joue alors le regard des autres. Indice 4 : en fait, j’avoue, l’histoire est surtout partie de là : c’est que la madré m’a dit que je devrais écrire sur la grandeur. Pourquoi ? J’en sais fichtrement rien. Ça m’est resté dans la tête. Jusqu’à ce dimanche matin, un thé à côté, stylo dans la main, carnet ouvert sur les genoux. En gros, j’ai écrit : « qu’est-ce que je peux bien dire sur la grandeur ? ». Ce qui me vient d’abord est très pragmatique et assez éloigné du sens où elle l’entendait : la grandeur a un rapport certain avec la taille, et donc la hauteur. Sauf qu’il ne suffit pas d’être physiquement grand pour être grand. Je crois que ça sonne mieux dans ma tête que quand je l’écris. Mais l’idée est là. Je connais plein de gens petits, et pourtant très grands. Peut-être même plus que de grands grands. Ça devient compliqué après parce que je connais même des Petit qui sont grands grands. Enfin, bon, la grandeur, ça n’a rien à voir avec la hauteur et la taille des personnes. C’est cette histoire de taille qui m’a fait remonter tout le fil, que j’ai détaillé précédemment. La grandeur était effectivement un sujet latent depuis quelques temps. Je me suis rappelée Emmanuel Moire, « Etre à la hauteur », et plus particulièrement la première partie du refrain :
« Etre à la hauteur
De ce qu’on vous demande
Ce que les autres attendent
Et surmonter sa peur
D’être à la hauteur »
Ça devient plus complexe. D’un coup, la taille n’est plus qu’une histoire personnelle, ça mêle les autres aussi. Quel bordel. Et ça suppute qu’on puisse craindre sa propre taille. Diantre. Je sais pas pourquoi je parle comme ça. Même si ça m’amuse assez. Si en fait, je sais. Et je sais aussi pourquoi j’en ris. Parce qu’en vrai, ça me met mal à l’aise, cette histoire d’avoir peur de sa hauteur. Parce que je trouve ça terriblement perspicace. Je ne sais pas si ça arrive à tout le monde. Je crois qu’on a parfois pas tous les mêmes branchements, et que certains arrivent juste à foncer et à aller chercher exactement ce qu’ils veulent. A débrancher le cerveau. Et puis, il y en a pour qui c’est plus compliqué. Où des peurs s’installent. Comme moi hehehe. Toujours envie de changement, mais en vrai, c’est flippant. Je crois que la chanson a raison. Que, finalement, c’est sûrement ça qui compte, de surmonter sa peur. Peu importe sa hauteur. Et puis, je repense à une expression que j’ai dû entendre une bonne centaine de fois, parmi les autres blagues lourdes de Moumoudou : « la bonne taille, c’est quand les pieds touchent par terre ». Hahaha. Mais cela dit, c’est pas con. Et il y a une morale derrière tout ça, que je n’arrive pas à écrire de façon plus « jolie » : bien grandir, c’est atteindre sa taille, tout en gardant les pieds sur terre. Sans même manger de brocolis. Pas de talonnettes, pas d’échasses, rien pour te faire plier l’échine. Comme gourou, je suis peut-être un peu trop subtile. Mais l’idée globale me plaît. Plus jeune pourtant, ça me gonflait. Que les gens puissent dire ou penser que je gâchais mon potentiel. Et c’est toujours le cas. L’idée de grandeur est très personnelle. Mais en même temps, on a tous nos talents, nos petits dons et je crois que c’est important d’aller à leur rencontre. Quand on est petits, on ne sait pas quelle taille on aura. C’est la même idée : parfois on ne sait pas jusqu’où on peut aller. Quelle hauteur on peut atteindre. Et même si c’est dur, que ça fait mal, on finit par y arriver. En restant bien campé sur ses deux pieds. En restant toujours, au fond, un enfant qui veut toujours être plus grand. La grandeur, c’est ça. C’est cet engagement à croître. Poussez poussez, avec ou sans tuteurs, petites plantes adorées.