28.01 : la Foi

https://open.spotify.com/intl-fr/track/05QGaQnoBuda27vXxpuiRU?si=eedc007cc7f14ac8

Overthink a Minute
4 min ⋅ 28/01/2025

En ce moment, une notion revient fréquemment : celle de confiance. J’ai fait un peu de latin : préfixe -con : avec et fiance : la foi. Confiance : avec foi. Qu’est-ce qui fait qu’on a foi ? En soi, en les autres, dans les choses de manière générale. Qu’est-ce qui fait qu’on croit en soi, en une autre personne, dans les choses ? Rien ne me touche autant qu’une personne qui croit en moi, et inversement : le plus cadeau que je puisse faire à une autre personne, c’est de croire en elle. Pour tout et pour rien. Simplement croire que l’on puisse prendre les décisions qui s’imposent pour soi, que l’on puisse rebondir si les choses ne se déroulent pas comme on l’espérait. Un peu comme à un enfant, à qui l’on fait confiance, pour le faire prendre en autonomie. La confiance des personnes que j’aime est le moteur de mon indépendance, là où je puise toute la force et l’insolence de ma liberté. Doublée de la confiance en moi, bien évidemment, mais c’est encore un autre sujet. L’Homme est un animal sociable, et on a parfois besoin d’un petit remontant extérieur pour se rebooster de l’intérieur. D’autant que la confiance des autres, et la confiance en soi sont interdépendantes, et se nourrissent l’une de l’autre. C’est parce que j’ai confiance en moi que je peux faire confiance aux autres, et parce que j’ai confiance en l’autre que je peux me faire confiance. Je n’avais pas réalisé avant de l’écrire l’interconnexion entre les deux. Je suis de nature méfiante. Ça m’a pris du temps de faire confiance, de voir qu’on ne me voulait pas nécessairement du mal. Des ratés, il y en a eu. J’y ai appris à mieux me connaitre, à mieux m’entourer. Aujourd’hui, je crois que les personnes qui peuplent ma vie ont véritablement à coeur mes intérêts et mes choix, quand bien même elles ne les comprennent pas. Ça aussi, ça a été un sujet. Parce que j’aime comprendre. Pour moi, compréhension et amour rimaient. Et puis, au fur et à mesure, j’ai fini par saisir que ce n’est pas parce que nos actions semblent étranges, illogiques, bizarres, irrationnelles aux autres qu’ils n’en sont pas capable de nous apprécier pour autant. 

Pour capter tout ça, il a fallu du temps. Du temps, et des recherches. A travers un besoin irrationnel de rationaliser. Parce qu’une fois de plus, il est question de rationalité, ou plutôt d’irrationalité. J’ai donc d’abord observé les généralités. Les grandes généralités pour le coup : je me suis intéressée à l’histoire des religions et des spiritualités. Comment des personnes dûment éduqués, capables de raisonnement, peuvent-elles tomber dans le panneau religieux ? Croire simplement qu’il y a un grand monsieur au-dessus, ou tout un panthéon fantasque qui régirait entièrement leurs vies ? Et leur faire entièrement confiance pour les inclure dans leur prise de décision ? Jusqu’à aller dans certains extrêmes ? 

Alors j’ai lu. Beaucoup. Du Lenoir, philosophe moderne qui s’est fortement intéressé aux sujets, allant d’un « traité de l’histoire des religions », d’une « Odyssée du Sacré », à l’analyse plus précise des grands penseurs et philosophes s’étant intéressés au sujet de la religion, comme Spinoza, ou Jung ; du Cyrulnik, neuro-psychiatre s’étant intéressé à la « Psychotérapie de Dieu » ; du Onfray, philosophe athée ; du Carrère, dans son « Royaume », qui retrace son parcours de chrétien, religion de laquelle il s’est éloigné, à travers l’étude des évangiles ; du Coelho et son analyse de la lettre de Saint-Paul aux Corinthiens ; et j’en passe. Tous évoquent dans nos sociétés modernes s’étant éloignés de la religion une perte de sens, de fortes angoisses face à l’inconnu. Plus qu’avant ? Difficile à quantifier, alors que nos sociétés plus « sécurisantes » permettent à l’individualité de s’exprimer pleinement, là où elle s’effaçait devant le besoin de survie au sens large du groupe, ne serait-ce qu’un siècle auparavant. Autrement dit : est-ce que nos ancêtres, individuellement, se posaient véritablement la question de savoir pourquoi ils avaient foi en un Dieu invisible ? La réponse est positive pour une minorité de grands penseurs, mais certainement pas pour une majorité. Enfin. 

Vassilis Saroglou, professeur de psychologie, résume assez bien les choses : « après une angoisse métaphysique, la religiosité sert à revaloriser l’estime de soi, contrôler l’adversité, donner quelques certitudes pour organiser les conduites et attribuer un sens au destin qui nous accable ». Face à un monde aux frontières sans cesse repoussées, et avec une soif de nouveautés, les religions traditionnelles ne font pas le poids. D’où l’émergence et l’essor des nouvelles spiritualités, empreintes de mondialisation, où héritage judéo-chrétien et philosophies occidentales s’entremêlent. Pourtant, chacun y fait son propre ménage : la spiritualité moderne est marquée par davantage d’individualité qu’à l’âge d’or des grandes religions. Chacun fait sa propre expérience du sacré, chacun voit ses propres images, symboles et signes : « la spiritualité est une élation intime qu’éprouve tout homme, même quand il prétend vivre sans dieu » (Boris Cyrulnik, Psychothérapie de Dieu). Et l’aspect à retenir ici est sans conteste le caractère intime de l’expérience du sacré, « mélange d’émerveillement et de crainte, d’amour et de terreur devant cette immensité cosmique qui nous dépasse et nous englobe » (Rudolf Otto). Et là, pour le coup, c’est le « qui nous dépasse » qui m’interpelle. Jung, éminent psychiatre, répertoriant systématiquement ces consultations avec ses patients,  évoque la même idée : pour lui, la croyance ne vient pas de la raison, mais bien d’ailleurs. 

Alors si l’on sort des généralités, des études scientifiques ou philosophiques, des grands penseurs, que faire de nos croyances, irrationnelles ? Rien, j’imagine, hormis de les accepter. Etre simplement ok avec le fait que nous n’avons qu’un contrôle restreint sur ces actes de foi. Que dans le faire de faire confiance, s’il y a des actes et des preuves, il y a aussi une part d’invisible, d’inconnu qui nous émerveille et qui nous terrifie à la fois. Et même s’il arrive qu’on se trompe, accepter de faire à nouveau acte de foi, parce qu’il y a toujours une partie immergée dont on n’a pas nécessairement conscience, mais qui reste présente. 

Overthink a Minute

Par Zoé André