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Aujourd’hui, on m’a posé une question : pourquoi l’amour est irrationnel ? Pour une fois que je ne me pose pas une question métaphysique à laquelle je ne pourrais jamais répondre et sur laquelle je vais m’interroger plusieurs nuits durant… Il fallait qu’on me le demande. On aurait pu faire un club de lecture, discuter des derniers potins, même de la météo de la semaine prochaine. Mais non. V’là qu’on se met à discuter de l’amour. Décidément, les gens m’étonneront toujours. Heureusement. Bref, autant se plonger tête la première dans le sujet.
Sur le coup, je ne savais pas franchement quoi répondre. Même toujours maintenant, je n’ai pas de réponse. Parce qu’il n’y a pas de réponse. Il y a des choses qu’on ne comprend pas, et c’est comme ça. L’amour est irrationnel, c’est comme ça, et c’est tout. On le voit partout : dans les films, dans les livres, dans les podcasts, en chansons, dans les discussions que l’on entend, celles que l’on peut avoir. Un jour, un inconnu devient l’Un connu. Avec un cumul plus ou moins important de jours entre. Il n’y a rien à comprendre là-dedans. Rien à contrôler. C’est peut-être même ça qui rend l’amour si exaltant : le fait de n’avoir que peu de contrôle dessus. Cette sensation de perdre pied. De se faire surprendre. Et d’être parfaitement libre pourtant de le déclarer ou non. On aime pas avec la pensée, parce que c’est logique ou que c’est le bon choix. On aime en vivant, en explorant, en s’aventurant, en flirtant avec les limites. Parce qu’il y a ces petits sourires quand l’écran du téléphone affiche son nom et sa photo. Parce qu’il y a ces regards qui se croisent au milieu d’un bar bondé. Parce qu’il y a ces fameux papillons qui semblent avoir envahi nos tripes quand on le.la voit. Parce qu’on voudrait paraitre fort.e, toujours plus fort.e jusqu’au moment où, faible, on réalise qu’on ne voudrait qu’une seule paire de bras autour de nous. Qu’une seule bouche pour nous murmurer des mots réconfortants. Ou même plus : une seule oreille pour nous écouter. Parce que d’un coup, on est pris de l’envie irrépressible de raconter tous les détails les plus insignifiants de nos vies. Parce qu’on a envie de rire aussi. Beaucoup. De rire de tout et de rien. D’être aussi insouciant que le nouveau-né sortant du ventre de sa mère. Parce que la vie semble plus légère d’un coup. Parce qu’on a envie de s’ennuyer avec sa personne aussi. Ça, ça ne vient pas de moi, mais de François Civil, à l’occasion d’une de ses interviews pour « l’Amour Ouf ». Ça m’avait marqué, parce que je m’étais dit que ça représentait un sacré cap dans une relation. D’avoir envie de s’ennuyer. Globalement, dans ma vie, j’évite l’ennui. Je suis incapable de faire une chose à la fois : je lis plusieurs livres à la fois, je regarde un film en faisant des sudokus ou en écrivant, j’écris devant un film ou en écoutant de la musique… Alors avoir envie de m’ennuyer, de surcroit avec quelqu’un… Mais c’est justement là que réside la beauté : s’ennuyer avec quelqu’un, c’est accepter de se regarder vraiment, en dehors de toute boulimie de l’action. S’observer, pour de vrai, sans rien pour enjoliver. Plus de masques, simplement la confrontation de deux solitudes. S’apprendre, s’apprivoiser, pour de vrai. En plus d’être talentueux et beau gosse, le type est smart et censé. Je pourrais dire François Civil, je t’aime, mais il est bien trop gendre idéal pour que ce soit rationnel, seul et unique raison de ce désaveu. Tant pis.
Tout ça, bien sur, c’est quand c’est simple. Quand tout s’enchaine, sans accroches, comme B après A, et ce, jusqu’à Z. L’irrationalité rend les choses presque… ascensionnelles. Une impression de planer. Cette impression de vivre sur son petit nuage. De là, plusieurs options. On peut continuer à s’élever, passer de nuage en nuage, de strates en strates, tranquillement, sans se poser plus de questions que ça. Vivre son moment, tout simplement. Si tu es un.e scénariste du quotidien, tu peux te poser des questions. Beaucoup trop de questions. Te dire que si c’est aussi simple, c’est qu’il y a un hic. Qu’il y a forcément un moment où, à force de monter, tu vas tomber. Et au plus haut tu seras, le plus mal tu auras (Maître Yoda, sors de ce corps). Te dire que tu ne le mérites pas. Souffrir d’un véritable syndrome de l’imposteur. Pas d’écriture inclusive pour ce mot-là, tant pis. Pourtant, ça n’est pas réservé qu’aux hommes. Et puis il y a les fois où la vie s’en mêle, et où l’on pourrait dire même qu’elle exerce une profession de peu de foi (pour faire simple, où l’on pourrait dire que c’est une pute). Ou quand c’est la personne en face qui nous blesse. Sciemment. Peu importe les raisons. Ça n’empêche pas l’amour de rester, au même titre que l’irrationalité. Mais dans ce cas, l’irrationalité devient un poids. Plus question de planer, ici, il est question de couler. De nager à contre-courants, plombs aux pieds, et d’avoir conscience que les plombs n’ont été placés par nul autre que nous-même. Parce qu’au fond, on a choisi, à un moment, de s’engager sur ce chemin-là. De ne pas comprendre, l’autre, certes, mais surtout soi : pourquoi j’aime cette personne autant que je la déteste ? Comment je peux l’aimer alors même que c’est celle qui me fait le plus mal ? De la même façon, il n’y a pas de réponse à cette question. Ou plutôt une multitude. Peut-être une façon de conserver un lien, fut-il de douleur ou de dépendance, à l’autre. Peut-être une façon de rester dans la sécurité de ce que l’on connait. Peut-être un regain d’égo blessé. Peut-être une peur quelconque, un syndrome encore inconnu. Peut-être une foi inébranlable en la nature humaine. On pourrait en trouver d’autres encore. Mais ce serait chercher des raisons à un coeur brisé peut-être là où il n’y en a simplement pas. Là où la souffrance est simplement là.