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Tu as commencé à lire un livre écrit à la deuxième personne du singulier. Un livre sur la honte. L’auteur explique : pour explorer ses parts les plus sombres, il lui était plus simple de se tutoyer. Prendre le plus de recul possible. L’homme n’est pas un meurtrier. Non. C’est un homme perdu dans ses démons : l’alcool, les femmes. Tu n’en as lu que quelques pages, et pourtant, pourtant, tu meurs d’envie de le dévorer. L’auteur, dont tu raffoles des films, te fascine. Pourquoi ? Il a été reconnu coupable d’agressions sexuelles. Rien à voir avec Bertrand Cantat, ou Joël Chenal, qui font les gros titres. Mais tout de même. Des femmes sont allées jusqu’à porter plainte contre lui. Tu as vu d’anciennes interviews de lui, d’anciens passages d’émission. Nul doute que l’homme doit être un vrai connard. Snob, joueur, prétentieux, Don Juan, franchement lourd. Un vrai blair. Mais doit-on se retrouver fustigé en place publique, réelle comme virtuelle du seul fait d’être un connard ?Cela justifie-il réellement de tout perdre ? Chacun, chacune sa position. Drôle de monde que celui dans lequel on vit. Les susceptibilités sont à fleur de peau. Son histoire te touche. Te touche par cet exercice de culpabilité. Par cette volonté d’assumer, et de comprendre à quel moment, à quel moment sa vie est partie en couilles. Quelles brèches ont fini par le submerger entièrement. Au fond, c’est le seul exercice qui compte. Prendre conscience de ce qu’on est devenu, de ce qu’on ne veut plus être, de ce que l’on voudrait être. Sans chercher à justifier. Les choses sont ce qu’elles sont. Mais se rétablir dans son pouvoir, dans sa capacité et sa volonté à être la version de nous-même que l’on a envie d’incarner. Au plus profond. Tu as noté un fait étonnant ces derniers temps : les gens incarnent la façon la version d’eux qu’ils pensent les définir. Compliqué, reformule. Tu penses être une personne chiante, et tu fais tout pour agir en conséquence. Non pas que ce soit forcément conscient. L’homme pense être un connard ne méritant rien ni personne et agit en conséquence, fatalement. Ecumant les bars, imposant son écrasante et pernicieuse personnalité d’homme blanc de pouvoir à qui veut bien l’entendre, ou non d’ailleurs, enchainant les conquêtes, jouant de son pouvoir de séduction et de son magnétisme de personne connue, mentant à ses compagnes, finissant par perdre celle qui comptait plus que tout, « jamais content » comme dirait Souchon, regrettant éternellement la dernière une fois la nouvelle remplaçante trouvée. Mais c’est oublié une règle fondamentale : la seule fatalité, c’est la mort. Tu peux être absolument qui tu veux, à n’importe quel moment. Non pas que ce soit chose aisée. Si c’était facile, tout le monde le ferait.Tu le sais si bien. Tu l’as ressenti, au plus profond de toi cette dernière année. L’exception qui confirme la règle. C’est pourtant la réalité. Changer n’est pas facile, mais complètement possible. Et au fond, n’est-ce pas délicieusement rassurant ? Que ce qui fut un jour un connard puisse modifier son incarnation de chien de la casse ? Telle est l’histoire, de la Belle et le Clochard. Tu la redécouvres, sous un nouveau jour. La Belle et le Clochard, comme les deux parts de toi se complétant, s’accompagnant, pour te représenter entièrement. Pas une histoire sur le fait de changer qui que ce soit, hormis soi. Ton appétence pour les dessins animés de ton enfance ne fait que se renforcer. Toute la sagesse du monde y est probablement contenue, depuis tes débuts. C’est magique. Et tu t’en aperçois grâce à un énième connard qui a écrit un bouquin. Ironique, non ? Tu approches de la fin. L’homme est-il toujours un connard, ou simplement et irrémédiablement humain ? Alors tu espères. Tu espères que sur ce difficile exercice qu’il a entamé, c’est la leçon qu’il en a tirée. Plus de fatalité. Retour à la lecture, exigé.