13.11 : un moment de douceur

Décidément, on change complètement de registre. Après la mort, un peu de douceur.

Overthink a Minute
4 min ⋅ 13/11/2024

Il y a une question qui me taraude depuis deux matins maintenant. En fait, ça m’est venu en faisant une constatation assez simple sur certaines de mes lectures récentes. La première, c’est « le Miracle du Réconfort » de Marie Robert, aka @philosophyissexy sur Instagram. Pour la faire courte, je n’ai pas franchement aimé. La seconde, que je n’ai pas encore lu, est un achat par dépit. Ça fait plusieurs mois maintenant que je cherche un livre précis : « Eloge du risque » d’Anne Dufourmantell, dont j’ai lu plusieurs extraits qui m’ont attiré.  Psychiatre, elle a écrit plusieurs livres avant de décéder en sauvant un enfant de la noyade à Ramatuelle il y a quelques années. Librairie après librairie, pas moyen de trouver ce livre. Et puis ce dimanche, une fête de village. Un village pourtant proche mais que je n’ai jamais visité. Je retrouve des copains pour le café. Tout semble sorti d’un livre de Pagnol moderne : les murs en pierre, les volets colorés, la vigne vierge, les anciens qui rigolent fort, les magasins d’antiquité, la petite place avec les restaurants, les huitres et le petit blanc. Au milieu de tout ça, une librairie. Une vraie, une qui sent le papier dès qu’on y rentre. J’ai l’impression d’être à la maison. J’en perds la notion du temps. Un nom m’accroche : Dufourmantelle. Mais le titre du livre n’est pas celui que je cherche. Celui-là, c’est « Puissance de la douceur ». Par acquis de conscience, je demande tout de même à la libraire si elle n’a pas le précieux graal. Que nenni. Elle le commande en revanche. Il sera là dans la semaine. J’aurais donc pu attendre quelques jours, revenir, et acheter mon livre. Et je vais d’ailleurs le faire. Mais, boulimique comme je suis, j’ai quand même acheté l’autre. « Puissance de la douceur » donc, à la place de « Eloge du risque ». Tu parles d’une contradiction. Jusque là, pas franchement de question. C’est en retombant sur ce livre, sur mon bureau, l’autre jour, que ça a commencé à germer. Pourquoi est-ce que je l’ai acheté ? Pourquoi est-ce que c’est le deuxième bouquin sur le sujet que j’achète ? Est-ce qu’en fait, mon inconscient essaie de trouver une méthode pour être plus douce ? Est-ce que je suis quelqu’un de doux ? 

Sur le coup, la réponse semble évidente. Non. Ce n’est clairement pas un adjectif que j’emploierais pour me qualifier. Ne serait-ce que parce qu’au moment où j’écris ces mots, je viens de poser relativement brutalement ma tasse de café, induisant une secousse, ayant abouti à renverser le-dit café sur la table. En fait, j’ai même fracassé un verre une fois comme ça. Juste parce que je voulais le poser. Et ça, ce n’est pas parce que j’ai la force de Thor. Clairement pas. J’ai une force d’écureuil. C’est à peine si j’arrive à ouvrir un pot de cornichons. C’est juste la conjugaison de l’angle de la table, de la dureté de la table, de la fragilité du verre, et de la vitesse à laquelle table et verre se sont réunis par mon action qui n’était pas bonne. Voilà tout. Non, vraiment, je ne me définirais pas comme douce. Je n’ai rien d’un plaid en cachemire humain. 

Et puis je repense au livre de Marie Robert. Au fait que je ne l’ai pas aimé. En fait, je crois que je ne l’ai pas aimé parce qu’il est peut être trop doux. Trop de douceur qui me met mal à l’aise. Je n’ai jamais été à l’aise avec la douceur. Ma mère est d’une grande douceur. Elle a toujours fait des câlins, et dit, très facilement, aux gens qu’elles les aiment. Ma mère met des cœurs partout dans ses messages, à tout le monde. Même à ceux qu’elle ne connaît pas. Ma mère écoute toute la misère du monde, venant même d’inconnus sans broncher, répondant avec le mot juste. Je trouvais que c’était trop. Je ne comprenais pas l’intérêt pour elle. C’en est même devenue une blague, celle du chinchilla. Parce qu’elle s’est retrouvé une fois à découvrir la vie du chinchilla, racontée par un monsieur probablement un peu seul dans une animalerie, pendant des minutes interminables. Sans broncher. Elle rencontre souvent des chinchillas : de parfaits inconnus qui lui racontent leur vie, sans considération aucune pour la sienne. Je ne comprenais pas. Qu’est-ce que ça pouvait bien lui apporter ? Autant l’histoire du chinchilla n’était pas lourde mais ce n’est pas le cas de toutes les histoires. Certaines étaient bien plus lourdes, et l’affectaient. Et puis, à force d’exprimer régulièrement et fièrement sa tendresse, c’en est devenu trop. J’ai lu une histoire il y a peu, d’une petite fille qui claironnait à son père en permanence qu’elle l’aimait. Son père a fini par lui dire qu’elle le disait trop. Que ça perdait de sa valeur. Simple loi de l’offre et de la demande. C’est la rareté qui donne de la valeur aux choses. Il n’y a qu’à voir le marketing des grandes marques de luxe, comme Ferrari. Des séries limitées, réservées à l’avance par des clients réguliers triés sur le volet, sans possibilité de revendre à sa guise. Tout le monde se les arrache. Pareil pour les Rolex. 

À l’inverse, mon père. Ce n’est pas qu’il était distant. Mais plus pudique. Ce qui a rendu ses gestes de tendresse bien plus précieux. Et puis la balance s’est inversée, lorsqu’il a eu besoin de réconfort. Depuis, il s’exprime. Il réclame. De la tendresse, de la douceur, du réconfort. Ça a commencé à me mettre mal à l’aise. Là où ma mère, à l’inverse, a accepté de mettre plus de distance. De ne pas imposer ses accès. De respecter une certaine froideur. De laisser l’affection venir à elle plutôt que de la chasser. Tout en en prodiguant par de petits gestes, parfois anodins, mais toujours présents. Et c’est le genre de douceurs que j’apprécie. Comment un petit chocolat après le repas. Alors finalement, je ne sais pas s’il y a de bonnes façons d’exprimer sa tendresse. D’être douce. Je crois surtout qu’il y a différentes façons de faire, qui nous appartiennent, et que c’est cette diversité qui me réconforte. Comme se clôturerait un post matinal de Marie Robert, je vous souhaite, en ce post tardif, de percevoir la douceur. 


Overthink a Minute

Par Zoé André