Le personnage du jour n’est pas un personnage, à proprement parler, mais plutôt une idée. L’intimité. Intimité, de l’ordre de l’intime, du personnel. L’intimité, une valeur à mesure, à degrés, à étages aussi. Un peu comme les chakras, ou les différents corps énergétiques : cérébral, physique et émotionnel. L’ego, le corps, et l’âme.
D’abord, l’intimité cérébrale. Il y a les « je sais tout de toi ». Tous les éléments matériels d’une vie. Je sais que tu es né.e tel jour, que tu as grandi à tel endroit, que tes parents se nomment ainsi, que tu détestes les brocolis, que tu t’es fracturé le pouce à l’âge de 6 ans, que tu as voyagé en Amérique latine, que tu préfères les bruns aux yeux clairs, signe d’un léger trouble oedipien, que tu es ingénieur ou fleuriste. Bref, l’intimité de faits. Ça peut être fort : il n’y a qu’à voir l’attachement à certaines personnalités publiques, dont on dévore la vie dans les journaux mondains, sans même les connaitre, ou simplement à des personnes qui ont des vies similaires. Typiquement, un collègue, avec qui l’on échange des heures sur des problématiques communes, parfois avec une approche similaire, et dont on ne sait pourtant rien des aspirations plus profondes.
Ensuite, l’intimité physique. Bien évidemment, ça concerne un autre genre de relations. On peut considérer la relation charnelle avec l’un de ses collègues, tout dépend de son charisme. Enfin, c’est le genre de relations où tous les sens se mêlent. La pression des lèvres contre les siennes, le goût d’une langue qui en cherche une autre, une odeur qui s’imprègne dans un oreiller, dans une noce subtile, un prénom ronronné à l’oreille, l’observation d’un corps comme on observe les vallées et littoraux dessinés par l’érosion. L’intimité physique, ou le partage des sens. Mais l’on peut toujours offrir son cul sans rien donner d’autre. Un corps n’est jamais qu’un masque de plus que l’on nous impose à la naissance.
Pour retirer tous les masques, ne reste que l’intimité émotionnelle. Celle du meilleur et du pire. Celle qui te fait dire et faire les plus belles choses comme les plus moches. Celle de tous les possibles, celle qui brise les limites, de la plus douce des façons et de la plus brutale. Celle qui accepte les éclats, qu’ils soient sanglotants ou riants. Celle où l’on se montre, dans toute sa vulnérabilité, sans filtres. Plus question de n’être qu’un simple grain de café parmi tant d’autres. Plus de faits, plus de sens, plus de matériel. Celle où les âmes se percutent telles des météores, dansent, chantent, rient, pleurent, consolent, échangent. Celle où ne reste plus que l’imperceptible essentiel : la confiance. Là, là est le socle de l’amitié. Ce qui distingue une personne d’une autre, ce qui rend en une simple équation l’inconnue x connue, ce qui permet à l’étranger de devenir une part de nous. Celle qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue, parce que partagée. Parce qu’il y a les souvenirs, le présent, et tant de choses à faire encore. Merci, merci à tous ceux qui transcendent la méfiance pour partager, sans compter, leur confiance.