09.02 : Sexual Healing

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Overthink a Minute
3 min ⋅ 09/02/2025

Ce n’est pas dans mon habitude de parler de ça, mais j’ai une furieuse envie de faire des trucs que je ne fais pas d’habitude, de parler de choses dont je ne parle pas d’habitude. Parlons peu, parlons bien, parlons de cul.

Soyons bien d’accord, à l’instar de bon nombre de personnes, j’aime le sexe. Et je ne pose pas ça comme une affirmation lambda : ça m’a pris du temps à assumer. J’y travaille encore à vrai dire. Parce que quelque part en grandissant, je me suis convaincue qu’aimer ça faisait de moi une mauvaise personne. Quelqu’un de pas fiable. Une salope froide et sans coeur. Une petite chose faible et fragile incapable de résister à ses désirs les plus vils. Tout en étant absolument fascinée par la liberté sexuelle, toutes les histoires, les gens, qui faisaient différemment. Mais tout ça ne pouvait m’être autorisé. Parce que moi, ça me rendait mauvaise. Ce qui est assez étrange et relativement flippant, c’est que j’étais persuadée qu’aimer le cul me ferait finir en enfer. Je précise que je ne suis pas croyante, et que je n’ai pas été élevée dans la religion. A quel moment donc ai-je développé cette culpabilité de grenouille de bénitier ? Je ne sais pas franchement. Au fur et à mesure, j’ai eu quelques pistes de réflexion, venant globalement du passé. De transmissions familiales, “d’inconscient collectif”, pour ne citer que Jung. La pensée traditionnelle judéo-chrétienne autour du sexe n’est pas des plus alléchantes, et porte essentiellement sur la reproduction plus que sur le plaisir. Ce n’est pas un siècle de recul de la religion qui peut effacer en un claquement de doigts les stigmates de millénaires de prêches anti-jouissance. Et de domination masculine.

Parce qu’il est aussi question de ça. Sans rentrer dans le pamphlet féministe, c’est une image dont laquelle j’ai du mal à me départir, et qu’illustre à merveille la littérature : pour décrire une scène de sexe, est utilisée la formule “il la possède”. Posséder. POSSÉDER. Et, à bien y réfléchir, beaucoup d’autres termes appliqués en matière sexuel sont également usités en matière de propriété : pénétrer, violation, être en quelqu’un… Comme si un corps, une personne pouvait être approprié par un autre ? N’être qu’un vulgaire bien, un objet ? Suis-je une femme ou un champ ?

Pour quelqu’un comme moi, qui valorise son indépendance plus que tout, être une femme a représenté un problème. Parce que c’était accepter qu’un autre individu puisse avoir un rapport de pouvoir ascendant sur moi. Je m’attache trop à la sémantique, mais je ne pourrais jamais dire que j’ai baisé quelqu’un. Je pourrais dire que je me suis fait baisée, et l’on pourra dire que l’on m’a baisé. Mais dans tous les cas, je ne suis jamais l’actrice principale. Pour mon petit ego de roquet mal placé, c’est un coup dur.

J’ai bien conscience que ce ne doit pas être évident pour les mecs non plus. Toute cette pression autour du fait d’être performant, d’être bon, d’être un étalon, exacerbée par le porno et toute la culture de manière générale. Mais j’écris aujourd’hui en tant que femme. Désolée les gars, trouvez-vous un autre avocat. Parce que si être une femme m’a longtemps apparu comme un combat, j’aspire désormais à mettre fin au pugilat. A mettre un terme à la culpabilité et à tout sentiment d’infériorité, en embrassant mes parts honnies de féminité. Libérée, délivrée, je n’ai plus de secrets.

Overthink a Minute

Par Zoé André